Petit boulot

J’ai un rendez-vous. Ne me demandez pas avec qui, je ne le sais pas moi-même. La seule information dont je dispose c’est un mail  qui me dit succinctement que j’ai été reconnu dans la masse des profils d’une base de données et qu’on veut en savoir plus sur moi. Pour cela je suis convié à un entretien dans un lieu dont je n’ai que les coordonnées GPS. Cela pourrait sembler louche mais j’ai vanté tant de compétences sur tant de sites pour qu’on me recrute, j’ai tellement besoin d’un nouveau job que je ne vais pas faire la fine bouche. Au pire ce sera pour une mission un peu tordue et je m’en acquitterai sans poser de question. J’ai six mois de loyer en retard, la trêve hivernale vient de s’achever et tout ce qui me permettra de garder un toit sur la tête est bon à prendre.

Me voilà sur les lieux. Un bâtiment anonyme au fond d’une impasse dans une zone industrielle semblable à toutes celles que l’on peut trouver en périphérie des grandes villes. Je suis un peu en avance alors j’observe. Au cas où il me faudrait trouver une échappatoire. Parce que, plus j’y pense et plus cette convocation me semble étrange. Mais bon. Ce n’est pas comme si j’avais le choix.

D’autres gars arrivent au fur et à mesure. Il y a un peu de tout ce que notre société peut créer comme laissé pour compte avec une certaine carrure comme seul dénominateur commun. Ça doit être pour du gardiennage ou de la manutention. Mais sûrement un truc pas courant vu le luxe de précautions utilisé pour me donner le lieu de rendez-vous. D’ailleurs personne ne parle à personne. C’est à peine si quelques regards sont échangés. Drôle d’ambiance.

Le portail du bâtiment finit par s’ouvrir. Deux hommes sortent et nous comptent. Visiblement nous ne sommes pas tous là mais je me dis que tout le monde n’a pas eu les couilles de venir. On nous fait ensuite nous mettre en file indienne. Nous allons  visiblement passer l’entretien les uns après les autres. Du recrutement à l’abattage. Mais personne ne moufte.

J’ai réussi à me placer en premier. Comme ça, quel que soit le résultat, je pourrai me barrer vite.

J’ai signé une décharge et une clause de confidentialité. Ça ne me surprend pas. Puis on me fait signe d’avancer. Il fait sombre. Il y a juste une lumière au fond avec un mec derrière un bureau.  J’ai à peine le temps d’arriver lui.

— A poil vite !

Il a aboyé plus que parlé. Ça devient vraiment n’importe quoi. Mais s’il y a un peu de blé au bout, je suis prêt à ce sacrifice. J’enlève mes vêtements. Je garde juste mes mains en conque devant moi. J’ai ma pudeur.

— Les bras le long du corps !  Et avance un peu plus !

Je m’exécute. J’ai maintenant le service trois pièces juste devant lui. Il ne s’embarrasse d’aucune précaution pour le prendre dans sa main et le soupeser. Je devrais reculer pour échapper à son emprise, voire lui coller un pain. Mais non. Je reste immobile. Et je me sens tout doucement durcir sous ses doigts. Cela a l’air de le satisfaire car il pousse deux ou trois soupirs entendus avant de me lâcher.

— C’est bon pour toi. Va attendre dans la pièce d’à côté.

Il me donne un numéro et désigne une porte. Je la franchis. Il y a quelques sièges un peu défraîchis. Je m’assois. On ne m’a encore rien dit, on m’a juste tâté la queue comme à un marché aux bestiaux. Je commence à me demander si ce n’est pas un casting pour un porno. Ce serait bien la première fois et l’idée me fait sourire.

Nous sommes bientôt une demi-douzaine et l’ambiance se détend un peu. Je crois que nous avons tous la même idée par rapport au job et cela nous amuse.

Jusqu’au moment où le premier numéro est appelé. Là, ça ne rigole plus. Le mec sort. Cinq minutes après on en appelle un autre. Et un autre encore. C’est enfin à mon tour d’être appelé. Je suis le dernier cette fois. Je traverse un long couloir avant d’entrer dans une pièce quasi vide.  A l’exception d’un immense lit rouge. Et sur ce lit, avec tous les autres gars, cette parlementaire qui fait la une de tous les médias. Celle qu’on nous présente comme étant la prochaine à siéger à l’Elysée. Elle semble déchaînée au milieu de tous ces mâles et mérite sa réputation de bulldozer tant elle les met à rude épreuve. Ca sent le foutre et la transpiration et son maquillage qui a coulé lui fait un masque obscène.

Ça doit être à moi qu’on a confié la lourde tâche de lui porter l’estocade. Il va me falloir être à la hauteur. Je comprends maintenant tous ces mystères, même si je ne sais pas sur quels critères nous avons été choisis. Et, au moment de passer à l’action, je me dis que je ne pourrai raconter cette scène à personne. Que de toute façon on ne me croirait pas. Mais je m’en fous. L’enveloppe risque d’être belle et nette d’impôts.

Laisser un commentaire