Les douze coups de minuit

Sous la contrainte de la semaine 52 des oulimots

Mots contraints : Douze, cotillons, champagne, embrasser, danse, tradition, nuit, sylvestre, gui.

Nous embrasser sous le gui est une tradition à laquelle nous ne voulons pas déroger mais notre version n’est pas celle de tout le monde.

Déjà parce qu’elle est plus sylvestre, nous nous livrons à nos réjouissances dans une clairière au fin fond de la forêt, mais pas que. Il y a aussi cette danse autour du corps de mon épouse à laquelle se livrent douze hommes, triés sur le volet pour leur capacité à jouir abondamment car madame préfère le sirop de cordum au champagne, tandis que, attaché à un arbre par des cotillons, je les encourage à la couvrir de foutre. Ce n’est qu’une fois qu’ils l’ont aspergée que je suis libéré et que nous nous accordons ce baiser au goût si particulier. 

Cela n’arrive qu’une fois l’an et nous tenons à en profiter pleinement et, finalement, cela ne nuit en rien à notre couple, bien au contraire.

Vous avez un message

Une vulve en gros plan sans le moindre commentaire, voilà ce que je regarde sur mon écran, vaguement interloqué et ne sachant pas que répondre. Déjà parcs parce que c’est plutôt abrupt, je ne comprends que mieux ce que peut ressentir une femme qui reçoit une dickpic non désirée. Je ne sais pas ce qui a pris à l’emettrice de ce message, en admettant que ce soit une femme même si son profil le prétend, de me faire part d’une version très personnelle de l’Origine du Monde. Est-ce bien elle de toute façon ? Rien ne le prouve. Je ne la connais pas, elle me follow depuis à peine une heure, et s’est contentée de liker quelques unes de mes parutions. Cela n’a toutefois aucune importance : quel que soit l’ordre dans lequel les choses se passent, c’est une entrée en matière déplorable que d’exposer son sexe de la sorte et je m’apprête à effacer le message avant de bloquer le compte qui me l’a envoyé lorsque trois mots apparaissent. 

  • Tu te souviens ?

Eh bien non. J’ai déjà eu pas mal de chattes sous les yeux, j’en ai caressé et goûté une bonne partie, mais celle-ci ne me dit rien du tout. Je ne peux toutefois pas m’empêcher de regarder la photo de nouveau, avec un peu plus d’attention cette fois. Je connaîtrais donc ce fin pinceau de poils roux, juste là pour ajouter un peu plus de verticalité à la fente qu’il surplombe ? J’aurais eu affaire à ces lèvres sombres et que je devine gonflées par le plaisir que vient de se donner leur propriétaire ? Et ce bouton, visiblement encore gonflé de caresses ? Non, c’est impossible ! Je me rappellerais de ce qui m’apparaît de plus en plus comme une. incitation à l’amour charnel.

Je n’ai pas le temps de réfléchir plus. Un « Visiblement pas, tant pis… Est le troisième et dernier message que je reçois avant de me retrouver bloqué par ce compte surgi de nulle part. Il faut que je me rende à l’évidence, on attendait de moi ce que je n’ai pas pu ou su donner et je me suis fait jeter comme un malpropre. Était-ce un piège auquel j’ai failli mordre ? Une relance plutôt cavalière d’un produit de mon passé ? Je ne le saurai sans doute jamais et c’est tant mieux ainsi mais Dieu que cette expérience fut étrange… 

Du bois dont on fait les paddles

Mots contraints : Noël, rouge, cadeau, fête, sapin, ensemble, présent, réveillon, boule.

Quelle idée mes parents ont eue de me prénommer Noël ? Depuis mon enfance, tout le monde se paie ma tête durant la période des fêtes et ça me mettait bien les boules.

Les choses ont bien changé depuis que nous sommes ensemble et ce n’est plus mon visage qui est rouge de colère à présent mais mon cul qu’elle aime corriger d’un paddle en bois de sapin quand elle ne l’offre pas à ses amies pour le réveillon.

Je me fous désormais de ce qu’on peut dire de moi et la rencontrer est le plus beau cadeau que m’a fait cette chienne de vie. 

Teleo

L’avantage de partir travailler tôt quand on prend les transports en commun, c’est qu’on y est un peu plus tranquille qu’aux heures de pointe et c’est particulièrement le cas sur le trajet que j’emprunte, surtout en période de vacances scolaires. J’ai ainsi croisé seulement une demi-douzaine de personnes dans la rame de métro que j’ai empruntée et, quand je suis arrivé pour prendre une cabine du téléphérique urbain, il n’y avait que moi sur le quai. Il fait un peu frais en cette saison mais la tentation de faire quelques clichés avec les lumières de la ville en contrebas a vite pris le pas afin de les partager sur mes réseaux sociaux. Exit donc, le pull et le t-shirt afin d’immortaliser mon torse en mais cela ne m’a pas suffi. Je connais très bien le temps qu’il faut pour arriver à la gare intermédiaire et, après un rapide calcul, il s’est avéré que, si le timing était serré, j’avais le temps d’un nu intégral. Dont acte. Mon pantalon et mon boxer ont rejoint le haut de ma tenue sur la banquette et j’ai commencé à me contorsionner afin de trouver les meilleurs angles de vue pour mon corps et l’arrière-plan tout en comptant mentalement pour ne pas me retrouver pris au dépourvu, ce qui a failli m’arriver car j’ai eu à peine le temps de me rhabiller, sans toutefois pouvoir remettre mon manteau, avant de voir que quelqu’un attendait sur le quai. Un couple en l’occurrence, elle la quarantaine environ, emmitouflée dans une doudoune longue qui ne me permettait à peine d’imaginer son corps et lui, un peu plus âgé et plutôt athlétique dans une veste cintrée . Nous nous sommes salués, eux avec un sourire amical, moi un peu rouge et essoufflé. 

Ont-ils deviné ce que je venais de faire ? En tout cas, leur regard s’est fait un peu plus complice et l’homme est venu me demander si cela ne me dérangeait pas s’ils se mettaient à l’aise. Je leur ai répondu que non et j’ai très vite compris en quoi leur demande consistait. Quand la femme a enlevé son mateau, j’ai vu qu’elle ne portait que des bas et elle a commencé à prendre des poses lascives sous les consignes de son compagnon. Ils semblaient beaucoup plus détendus que moi, peut-être étaient-ils plus coutumiers du fait, et leur manège m’a beaucoup excité sans pour autant que je n’ose les déranger. Le fait que je sois voyeur leur convenait visiblement et c’était très bien comme cela. Il restait environ deux minutes avant l’arrivée quand il a sorti sa queue et, après de rapides mouvements du poignet, a aspergé la poitrine de sa compagne avant de l’étaler avec son gland comme on le ferait d’un pinceau. Ils se sont ensuite rajustés rapidement. J’étais toujours aussi rouge qu’à leur arrivée et je bandais dur dans mon pantalon.

    — Le spectacle semble vous avoir plu, d’autant plus que, si je ne m’abuse, vous avez joué sensiblement au même jeu que nous avant que nous ne montions. A une prochaine fois certainement, nous venons souvent de ces heures ci, c’est intéressant ces cabines vides pour la plupart.

Ils m’ont salué et ont disparu dans la nuit. Comment savaient-ils ? Je l’ai découvert en arrivant sur mon lieu de travail encore désert, après un passage aux toilettes pour me laver les mains, quand j’ai vu dans le miroir que le V de mon pull était dans mon dos.

Voyage retour

La femme assise en face de moi dans le carré n’est pas ce qu’on peut appeler une gravure de mode. Elle est même limite vulgaire avec son tie dye au rabais, sa bouche trop rouge et ses vêtements desquels ses formes opulentes essaient de s’échapper. C’est peut-être pour cela que j’ai du mal à détacher mon regard d’elle tandis qu’elle lit un exemplaire de la presse à scandale d’un air extrêmement concentré. Des pensées affluent dans ma tête, toutes plus obscènes les unes que les autres pour ce qui la concernent. Ce n’est pas du tout mon genre pourtant mais je m’imagine tout d’abord tenir ses cheveux dans la main tandis que j’enfonce et retire ma queue de sa bouche au rythme des boggies sur les rails avant de la basculer sur la tablette, baisser son leggings sur les chevilles et la baiser avec la plus grande vigueur. Je sais pourtant que je n’en ferai rien, déjà parce qu’il y a d’autres passagers, et puis surtout parce qu’il ne m’est jamais arrivé d’aborder qui que ce soit dans un train ou même ailleurs. Timide un jour, timide toujours.

Je suis un peu plus au supplice lorsque, midi arrivant, elle sort un sandwichs de son sac et l’attaque à belles dents. Le spectacle de ses lèvres charnues qui coiffent la baguette, le bruit mouillé de sa mastication et, parfois, le surplus de sauce qui macule ses commissures et qu’elle nettoie d’une langue que je trouve démesurée, tout cela a un effet particulièrement érotique sur moi et je sens mon sexe enfler dans mon pantalon presque malgré moi.

Sans cesser de la regarder, je me dis que l’image de cette femme va agrémenter mes prochains plaisirs solitaires lorsque ses yeux se posent sur moi. Pris en flagrant délit de matage, je m’attends à me faire remonter les bretelles mais, tout au contraire, elle me sourit. 

  • Vous en voulez ? 

Horriblement gêné, je lui montre le sac en papier qui contient le casse-croûte que j’ai emporté et bredouille un remerciement en lui indiquant que j’ai ce qu’il me faut. Elle éclate de rire. 

  • Ce que vous êtes bête ! Ce n’est pas de nourriture que je parlais, même si je me dis que vous devez avoir un saucisson bien intéressant. Je vous propose ma bouche. Vous avez le regard rivé dessus depuis que nous sommes partis et je me sens d’humeur généreuse aujourd’hui. 

Je rougis. Elle tapote le siège à côté d’elle et m’invite à m’y asseoir en précisant qu’elle ne me mangera pas. 

  • Sauf si c’est ce dont vous avez envie.

Je me retrouve donc sur sa droite, nos bassins pressés l’un contre l’autre, et je sens sa chaleur. Une véritable fournaise.

  • On s’embrasse maintenant que nous sommes plus proches ? 

Je tourne la tête dans sa direction et, aussitôt, sa grosse bouche vient se coller à la mienne. Ses lèvres me mastiquent presque avant que sa langue ne se glisse presque au fond de ma gorge. C’est une pelle insensée et je ferme les yeux sous cet assaut qui m’embrase un peu plus. Je les rouvre pourtant, stupéfait, lorsque sa main se pose sur ma braguette, manquant me faire exploser. Je lui adresse une supplique muette qu’elle semble comprendre. Car elle m’invite à me lever et à la suivre 

  • Ce n’est pas une ligne très fréquentée, nous trouverons sûrement une voiture déserte. Viens ! 

Je ne relève même pas qu’elle me tutoie à présent et lui emboîte le pas comme un automate La chance nous sourit quand, en arrivant en queue de train, nous trouvons l’intimité qu’elle souhaitait. Mon pantalon et mon boxer se retrouvent à mes chevilles en un tour de main et elle m’empoigne, visiblement ravie. 

  • Je ne vais pas être déçue du voyage, à tous les points de vue ! Elle me pousse sur un siège et fait une petite moue. 
  • Je n’ai hélas pas choisi le bon bas pour profiter complètement de toi, tant pis, je vais devoir me contenter de te goûter. 

Elle joint immédiatement le geste à la parole et m’avale jusqu’à la garde. Elle reste immobile un étourdissant instant avant que le ballet de sa langue sur moi ne commence. Sa science de la fellation est absolument dingue et, pour me raccrocher à ce que je peux, je saisis sa tignasse, comme dans mon fantasme, mais la réalité est bien plus intense. Je ne vais pas pouvoir résister longtemps à un tel traitement et le lui dis d’une voix déformée par le plaisir. 

  • Alors j’en veux plein la figure ! 

Quelques savants coups de poignet suffisent et je me répands à grands jets sur son visage extatique. 

  • C’est bon, c’est chaud, j’adore ! 

Elle étale en suite mon sperme sur ses joues du bout de ses doigts et m’invite à les lécher. 

  • Tu membrasseras ensuite. Je veux goûter ton foutre de ta bouche. 

Ce nouveau baiser est salé, iodé et je découvre que c’est quelque chose de très fort de partager mon plaisir de la sorte. Elle doit descendre au prochain arrêt mais tire de son sac une carte qu’elle me tend. 

  • Si tu as l’occasion de passer par ici, je serai ravie de te revoir et mon mari aussi. À très vite. 

Elle pose son index sur mes lèvres pour m’empêcher de répondre et disparaît. Il me reste une heure de trajet, je pourrai revenir facilement. 

Voyage

Monter dans mon train n’a pas été chose aisée et, même si la place à côté de moi est occupée, je pousse un « ouf » de soulagement au moment de m’asseoir. Ma voisine côté fenêtre, très occupée à se limer les ongles n’a même pas tourné la tête au moment où je suis arrivé et son imposante coiffure afro m’empêche de voir son visage. Je ne sais donc pas si mon arrivée la dérange. Je murmure tout de même un « pardon lorsque ma hanche heurte la sienne, sans toutefois susciter la moindre réaction.

Le train part et, je suis tout autant hypnotisé par le ronronnement du train que par la science que développe ma voisine pour sa manucure. Une multitude d’outils est disposée devant elle, qu’elle prend et repose au fur et à mesure de l’avancée de son travail. Elle finit par en être satisfaite car elle les présente devant elle et les fait tourner lentement avant de faire disparaître ses mains sous le plaid qui couvre ses jambes. Je suis quelque peu perplexe : pourquoi tout ce soin si c’est pour en profiter si peu, ne fût-ce que du regard. Je finis par me dire que c’est probablement pour les protéger avant de les montrer à un amoureux. 

J’en suis à ces réflexions lorsque je sens un frôlement sur ma cuisse. Je tourne la tête vers celle qui en est l’auteur mais tombe encore sur cette masse de cheveux qui masque toute réaction de son visage pour tant est qu’elle en ait une. La caresse se fait plus présente et glisse à présent vers mon entrejambe. Je retiens ma respiration. Elle ne va tout de même pas oser, nous sommes dans un lieu public après tout. Je manque crier de surprise quand, en quelques secondes, ma ceinture et ma braguette succombent à ses assauts avant qu’elle ne se saisisse de mon sexe entre ses doigts. Elle n’a toujours pas tourné la tête vers moi tandis qu’elle commence à me masturber et je trouve la situation parfaitement hallucinante. Nous n’avons échangé ni parole ni regard ni et le seul contact que nous avons de situe au niveau de mon entrejambe. Je saisis soudain le pourquoi des soins qu’elle prodiguait à ses ongles tout à l’heure lorsque les sens me griffer avec une lenteur exaspérante du gland jusqu’aux couilles. Je croyais jusqu’alors bander à fond mais ce n’était rien comparé à la tension presque douloureuse mais tellement agréable qui pointe vers le plafond du wagon et c’est comme si des grappes de bombes incendiaires explosaient au creux de mon ventre tandis que la pression de ses griffes se fait légèrement plus intense. Je dois me mordre les lèvres pour ne pas hurler tandis que le plaisir irradie partout dans mon corps.

Je vais exploser, c’est certain, mais elle ne semble pas s’en préoccuper. À moins qu’elle ne le ressente sous la pulpe de ses doigts. L’imminence de mon orgasme doit être tangible. Ma voisine accélère imperceptiblement et je peux à peine étouffer un râle au moment où mon sperme jaillit à gros bouillons et, je l’imagine, souille sa main. Je mesure enfin l’intensité du plaisir qu’elle vient de me donner lorsque je la vois porter ses doigts à sa bouche. Ma semence donne un nacré incroyable à ses ongles et j’entends à ses soupirs satisfaits qu’elle est ravie du résultat.

  • Merci pour cette répétition, mon chéri sera ravi. Vous permettez ? Je descends au prochain arrêt. 

Je vois enfin son visage. Ses yeux rient, heureux du bon tour qu’elle vient de me jouer. Je m’efface pour la laisser partir et nous échangeons un regard complice. Je ne sais pas quand sont prévues ses retrouvailles mais je sais à quoi son homme peut s’attendre. 

Inversion

Sous la contrainte de la semaine 50 des oulimots

Mots contraints : Chuchoter, sombre, dimension, tonnerre, dopamine, cachet, sucre, plein, précaution.

Elle a beau me chuchoter à l’oreille que tout ira bien, je ne suis pas rassuré pour autant. Il fait sombre dans la pièce où nous sommes et tout ce que je distingue c’est le jouet aux dimensions du tonnerre qu’elle m’a promis. 

Je suis aux aguets. La dopamine court dans tout mon corps et je sens que je n’aurai pas besoin d’un cachet pour me stimuler. Seulement, peut-être, d’un peu de sucre pour faire le plein d’énergie lorsque nous inverserons les rôles. 

Le moment est venu où, avec d’infinies précautions, elle va prendre possession de moi. Je souffle profondément. 

Cocktail

Elle m’a donné rendez-vous dans le bar d’un petit hôtel de la ville. On y sert d’excellents cocktails paraît-il. J’y suis arrivé avec un bon quart d’heure d’avance et, pour l’attendre, j’ai décidé de me laisser guider par la barmaid, avec pour seule contrainte qu’il n’y ait pas d’alcool dans ce qu’elle me servirait. Je me retrouve, à ma grande surprise, avec un HTK fizz, variante du gin fizz avec du nectar de litchi, de la coriandre et des rondelles de concombre. Je vais pour protester lorsqu’elle me coupe.

— J’ai respecté scrupuleusement votre demande Monsieur, voyez donc.

Elle me montre une bouteille et force m’est de constater qu’elle a raison. La base de la boisson qu’elle me propose est totalement dénuée d’alcool.Un sourire complice éclaire son visage.

    — Une partie de ma clientèle est constituée de gens comme vous alors je me suis adaptée. On trouve des choses formidables pour cela si on se donne la peine de chercher.

Je goûte, non sans appréhension, et suis bluffé par le résultat, On s’y tromperait et dois reconnaître un talent certain à la barmaid car le cocktail est délicieux. Je ne perds toutefois pas de vue que je suis ici pour un rencard et je scrute la porte d’entrée pour ne pas louper Valérie.

    — On picole en douce ? Fais gaffe, ça casse les pattes ces trucs là ! Et le reste !

Je me tourne. C’est elle. Par où est-elle donc arrivée ? La question reste dans ma gorge car je suis ébahi par son apparition. Le bar est certes bien chauffé, il n’en demeure pas moins que je ne m’attendais absolument pas à ce qu’elle arbore une robe si légère, dont les jeux de tissu masquent et dévoilent sa peau de façon très subtile au fil de ses déplacements. Bref, Valérie est un véritable appel à la débauche et je dois avoir l’air du loup de Tex Avery alors qu’elle s’assoit en face de moi.

— Ravie de voir l’effet que te fait ma tenue. En revanche, tu risques d’être déçu si tu es un inconditionnel de la lingerie, je n’en porte pas.

Une grenade incendiaire vient d’exploser au bas de mon ventre en entendant cette annonce, d’autant plus que, sous la table, un pied nu vient délicatement se poser sur mon service trois pièces et commence à le masser avec une exaspérante douceur. Je bande aussitôt.

— Il ne faut visiblement pas t’en promettre si j’en crois ce que j’ai sous les orteils. Tu me laisses quand même le temps de boire un verre avant de monter ?

— Euh, oui, bien sûr, mais…

— Une chambre est réservée, en effet. Tu ne crois tout de même pas que j’allais me balader ainsi dans la rue ?

Elle commande la même chose que moi. Nous sirotons nos verres les yeux dans les yeux et une lueur de défi éclaire son visage tandis que sa caresse se fait plus précise. J’en saisis immédiatement l’enjeu. Si je manifeste la moindre hésitation, si par quelque signe que ce soit je lui montre qu’elle a la main, c’en est fini de moi. Elle a sans aucun doute l’habitude de mener le bal mais veut s’abandonner à quelqu’un qui s’affirme. Le jeu en vaut certainement la chandelle mais Dieu sait ce que c’est difficile en face d’une telle créature.

Compter jusqu’à cent

Un, deux, trois. 

Ce n’est après tout que le premier pas qui compte, et le corps s’habitue à ce que l’on m’a dit. 

Dix, onze, douze. 

La peau me cuit un peu mais ça reste léger, nous sommes après tout très éloignés du but. . 

Vingt-quatre, vingt-cinq, vingt six.

Là, ça chauffe vraiment. Comment mon dos est-il ? Je me sens lacéré mais ne renonce pas. 

Quarante-huit, quarante-neuf, cinquante. 

Je souffle, Elle aussi. L’exercice est ardu pour celui qui reçoit, il l’est également pour celle qui assène.

Nous ne sommes pourtant qu’au milieu du chemin. Notre défi était de compter jusqu’à cent. 

Collègue (3)

Le début ici

Le reste de ma journée se déroule dans une sorte de brouillard fait d’interrogations et d’appréhensions. Bon sang, mais qu’est-ce qui m’a pris de la laisser prendre ce tournant dans notre discussion ? Je voulais seulement me montrer sympathique avec elle en lui offrant ce café et me voilà en train de me demander ce qui va m’arriver une fois qu’elle me rejoindra à la sortie du travail. Pour me rassurer , je me dis qu’après tout, elle n’a parlé que de discuter pour le moment et que, quelle que soit la teneur de cet échange, elle ne me mangera pas . Enfin, ce dernier point reste en suspens car elle me semble bien décidée à me montrer qu’elle mène la danse et j’ignore jusqu’où la démonstration va aller. Si nous restons sur place, je ne risque pas grand chose. Je doute qu’elle ose quoi que ce soit avec le passage qu’il y aura à la sortie des bureaux. En revanche, si nous partons Dieu sait où, quel est le sort qui me sera réservé ?

L’heure fatidique finit par arriver et je descends, tiraillé entre l’envie de presser le pas pour la retrouver et la crainte qui me ferait plutôt aller à reculons. Une fois sur le parking, je la cherche du regard, en vain. M’aurait-elle posé un lapin ? Je n’ose y croire tant elle paraissait décidée et préfère imaginer qu’un imprévu l’a retardée. Je n’arrive pas à imaginer qu’elle ne soit qu’une fantasmeuse et qu’elle ait changé d’avis au dernier moment. J’en suis à ces réflexions lorsqu’une berline sombre stoppe à ma hauteur.

— Tu montes ? Nous allons faire un tour.

Je dois marquer un temps d’hésitation car elle ajoute que je n’ai rien à craindre et que mon intégrité ne sera pas violée et ouvre la portière passager.

— Dépêche-toi, nous n’avons pas que ça à faire ! 

Je m’assois, mécaniquement, et regarde mes pieds.

La suite là