Encore et toujours

Mots contraints : Pétale, Astrolabe, Tentacule, Orgue, Exergue, Après-midi, Cerné, Gens, Volute

L’Astrolabe et la Boussole avaient connu un sort funeste lors de leur voyage autour du monde. J’espérais ne pas faire de même alors que j’explorais sa fleur, préalablement humidifiée pétale par pétale par ma langue, de mes doigts démultipliés comme autant de tentacules

Les gémissements qu’elle poussa ensuite mirent en exergue la réussite de mon projet. Ce n’étaient certes pas les grandes orgues mais lorsque, repue, elle me regarda, les yeux cernés, à travers les volutes de fumée de sa cigarette, je sus que nous n’avions pas perdu notre après-midi

Mais ce que je ne comprends toujours pas, c’est qu’elle ait voulu passer Ancora E Sempre en fond sonore de nos ébats. Exhumer Gens pour l’occasion me semble toujours toujours obscur. À moins que ce ne fût une supplique cachée. Pour que je ne l’abandonne qu’une fois extraites les dernières larmes de son plaisir.

Disparition

Mots contraints : Ciment, granulat, bétonnière, prestidigitateur, pachyderme, exsudat, macrophage, estrade, humeur.

Les oulimots de Fran : 

Le dialogue est le ciment du couple paraît-il. Son absence avait réduit notre relation à l’état de granulats. Le macrophage de l’ennui avait fini par tout phagocyter. 

J’étais donc d’humeur plutôt sceptique quand, pour essayer de recoller les morceaux elle m’avait proposé de l’accompagner au spectacle de ce prestidigitateur. Elle voulait que cela nous aide à retrouver de la magie entre nous. .

J’y étais allé à reculons. Il pouvait faire entrer un pachyderme dans une bétonnière si ça lui chantait, ce n’était pas cela qui allait me dérider.

Et pourtant. 

Quand il l’a invitée à monter sur l’estrade j’ai souri. Avec un peu de chance il allait la faire disparaître définitivement. Au point que l’on ne retrouverait d’elle qu’un léger exsudat.

Soumission impériale

Mots contraints : Napoléon, cœur, chat, tartempion, table, épée, livre, voiture, nuage. 

Sa bouche relâcha un délicat nuage et, du bout de Son cigare, Elle me fit signe de m’approcher. Je me jetai aussitôt à Ses pieds

— Napoléon pour vous servir Madame !

— Un prénom bien impérial pour quelqu’un voué à me servir. Mais peu importe que tu t’appelles ainsi ou bien Tartempion. En te plaçant sous ma coupe, tu acceptes de perdre tout de ta vie passée. Jusqu’à ton identité. Et, si tu ne me plais plus, je n’aurai aucun scrupule à te renvoyer dans ton caniveau. Le veux-tu toujours mon chat ?

Elle jouait cartes sur table, on ne pouvait le nier. Mon cœur battit un peu plus fort. L’épée de Damoclès d’une disgrâce qui m’éloignerait d’Elle serait un puissant moteur pour que je m’améliore à Ses côtés.

— Je me livre entièrement  à Vous Madame.

— Alors suis-moi jusqu’à ma voiture. Je te ramène chez moi. Tu voyageras dans le coffre bien sûr.

Les choses commençaient fort. J’aimais ça.

Évasion

Mots contraints : Ronronner, greluche, saturation, gadin, bouillotte, bedaine, chanfrein, sylvestre, effluve

Ça commençait à ronronner ferme dans son couple et il était arrivé à saturation. Marre de la bienséance et des baisers du bout des lèvres sur le chanfrein, il voulait rouler des gadins et s’enivrer des effluves d’un corps après l’amour.

Alors oui, aurait pu, par dépit, s’enamouracher de la première greluche venue, une de ces femmes qui ne réchauffent pas plus qu’une bouillotte, et la retrouver dans le feutré d’une chambre dans un relais et château.

Au lieu de cela, il avait préféré vivre le grand frisson d’une aventure sylvestre au sein d’une communauté hippie retirée du monde. 

Cette vie simple lui nourrissait tout aussi bien le cœur et l’esprit que la bedaine, même s’il se nourrissait de racines et de ce que la nature leur donnait. Et pour rien au monde il ne voulait revenir en arrière

Tout fout le camp

Mots contraints : Âge, soleil, musique, martinet, roulette, photo, baiser, soumis, boutique.

— Quand on voit les évolutions du martinet dans les airs, on ne peut pas penser un seul instant qu’il soit soumis à la même gravité que nous. 

Il n’y avait pas photo : malgré son âge il avait gardé toute sa tête et ses aphorismes étaient comme un rayon de soleil dans une existence bien grise. C’est pour cela que j’aimais me rendre dans sa boutique qu’il continuait à tenir plutôt que d’aspirer à la retraite. Et que dire de la musique qu’il y passait ? Des trésors de toutes les époques diffusés aléatoirement mais en parfaite harmonie. J’avais pris mes quartiers chez lui, même si, parfois, je n’achetais rien et nous avions pour rituel de nous envoyer un baiser du bout des doigts quand je partais. 

Mais c’était avant. Désormais je n’ai plus le droit de sortir que pour subir la roulette du dentiste et autres joyeusetés médicales. Tout ce qui pouvait donner du sel à ma vie est en train de disparaître et je me dis que les restrictions en vigueur vont me tuer tout autant que l’épidémie.

Foutue époque. 

Le Procès

Mots contraints : Parataxe, synecdoque, malaxant, luthérien, billevesées, ritournelle, céladon, carotide, renoncule

Elle était sur le banc des accusés, essayant de garder son sang-froid en malaxant ses doigts. La ritournelle des billevesées de son avocat, qui plaidait une enfance difficile avec une rigueur toute luthérienne, lui devenait insupportable.

Finalement elle avait décidé d’assurer sa défense seule et avait exposé les faits à la cour. A sa manière

L’affaire était  simple : Son manager, lui avait demandé de rédiger un exemplaire papier de réponse du service client au dernier accident voyageur en ce sens. La France était responsable, pas la compagnie. Tout autant que la parataxe, la synecdoque la mettait hors d’elle : elle lui avait sauté à la carotide et avait serré de toutes ses forces jusqu’à ce que son visage prenne un teint céladon du plus morbide effet.

Cas de légitime défense face à une horrible agression verbale avait-elle conclu. Après son acquittement, elle ferait livrer un bouquet de renoncules à la veuve en guise d’expression de ses regrets et tout serait arrangé. Point final.

L’abolition du discernement fut retenue après cette plaidoirie plutôt surprenante. 

L’autrice

Elle avait fait de gros sacrifices mais le jeu en valait la chandelle. Et, même si elle avait plutôt nagé en eaux troubles qu’en eaux vives, elle pouvait maintenant regarder le monde de haut depuis les baies vitrées de son duplex en plein Paris 16ème.

Cet appartement, elle se l’était payé avec les droits de l’adaptation cinématographique de son premier livre, un roman fleuve qui racontait de façon contrapuntique les tribulations d’une princesse géorgienne qui, par amour, avait quitté les ors de son palais de Tbilissi pour les couchettes d’une fumerie d’opium dans le delta du Mékong.

L’histoire ne valait pas tripette, elle le savait. Et elle devait sa réussite à ses talents pour attirer les confidences sur l’oreiller. Le prix en avait élevé, certes. Mais elle avait réalisé son rêve.

La comptable

Mots contraints : Contestation, fractionné, raquette, pomme, ascenseur, pétillant, tube, pile, rose.

Il n’y avait aucune contestation possible : le trou dans la raquette que je venais de déceler était si gros que, même fractionné sur plusieurs exercices comme il l’était, un comptable débutant l’aurait constaté. Comment se pouvait-il d’ailleurs qu’aucune alerte n’ait été donnée ? Il n’en demeurait pas moins qu’il était passé inaperçu durant des années et que sa justification était pour ma pomme. Foutu audit.

J’avais donc pris l’ascenseur jusqu’au dixième étage, là où se trouve  le service financier, afin de demander des explications à Rose, sa responsable. J’aimais bien aller la voir. Je crois que j’étais bien le seul. Car, visiblement, personne d’autre n’avait remarqué que sous ses grosses lunettes d’écaille se cachait un regard pétillant. Dont elle m’avait gratifié quand j’avais passé la porte de son bureau. Mais je n’étais pas là pour lui conter fleurette. L’heure était grave.

— Il faut qu’on se parle. Il y a une grosse anomalie qui est passée à l’as depuis des années et je ne peux pas croire que tu n’es pas au courant

— Tu tombes pile, c’est justement le petit secret dont je voulais te parler. Ferme la porte, tout ceci doit rester entre nous.

Elle m’avait alors raconté le détournement de fonds ahurissant auquel elle avait procédé durant toute sa carrière dans la société. Dont l’objet de ma visite n’était que la partie qu’elle avait bien voulu faire émerger pour attirer mon attention avant de disparaître. Elle possédait désormais plusieurs millions sur une constellation de comptes offshores et elle était disposée à les partager avec moi. Car, m’avait-elle  dit, j’étais le seul durant ces années passées à lui avoir accordé de l’intérêt. L’audit auquel je me livrais allait lever le voile sur ses malversations. Elle me demandait juste de jouer la montre, le temps pour elle de prendre l’avion. Je la rejoindrais ensuite, quand l’affaire se serait tassée, après avoir moi aussi quitté la boîte. Mais auréolé pour ma part de mon rôle de lanceur d’alerte.

Que croyez-vous qu’il est advenu ?

Nous sommes maintenant tous les deux au bord d’une piscine, dans un pays dont on n’extrade pas, et nous écoutons un orchestre de mariachis jouer de vieux tubes en sirotant des cocktails.

Qui a dit que le crime ne payait pas ?

La septième contrainte ?

Mots contraints : Sept, septain, septantaine, septembrisades, septénaire, septentrion, septembre, septicolore, septidi

La septentaine bien sonnée, il s’était attaqué en cette fin septembre à la réécriture de blanche neige et les sept nains sous forme de septains. Révolutionnaire dans l’âme bien que pas nostalgique des septembrisades, il s’y était attelé chaque décade du primidi au septidi, se laissant trois jours pour souffler. Même Dieu avait fait une pause. 

Ce serait, disait-il, le chef d’œuvre de sa vie, dût-il y consacrer tous les septénaires du reste de son existence.

Qui s’acheva hélas prématurément lorsqu’il fut victime d’une septicémie consécutive à la morsure d’un septicolore égaré dans son septentrion.

Le texte demeura alors inachevé. 

Carnet de bal

Mots contraints : Galerie, épice, outrage, encore, garçon, danse, écarlate, infortune, yeux.

Tu as voulu épater la galerie en accordant une danse à ce garçon beau comme un dieu qui te dévorait du regard depuis le début de la soirée. Tout ça sous mes yeux. Je pense que, innocente perverse, tu as voulu épicer un peu notre relation en me rendant jaloux. Mais tu ne savais pas jusqu’où les choses iraient. Tu ignorais à ce moment que j’avais déjà tout orchestré. Que ton cavalier était là dans le simple but de te séduire. Alors tu as encore eu l’impression de contrôler la situation quand il t’a proposé de vous éclipser un moment. La décision t’appartenait encore. Et tu as pris celle de l’emmener dans notre chambre. 

Il t’a fait subir les derniers outrages et bien d’autres encore. Après qu’il t’a baisée à fond tu as notamment découvert que tu aimais te faire claquer fortement le cul. Tu as adoré en voir l’écarlate dans le miroir du dressing. 

C’est alors que j’ai fait mon apparition dans la suite matrimoniale, Te faisant croire que de découvrais mon infortune. Tu ne savais plus où te mettre et t’es jetée à mes pieds, implorant mon pardon. Tu étais prête à tout, m’as-tu dit, pour que je passe l’éponge sur cette passade. Je t’ai regardée et t’ai dit que je n’étais pas en colère contre toi. Bien au contraire. Et tu as lu l’excitation dans le sourire que je t’ai adressé.

Tu as découvert à ce moment que je venais de t’amener là où je voulais que tu sois, épanouie mais légèrement honteuse, maîtresse de tes sens mais soumise à mes envies. Et tu m’as souri 

Notre couple venait de prendre une nouvelle dimension. La suite promettait d’être belle.