Il est de ces moments que l’on ne voudrait jamais voir se terminer. Mon week-end a été ainsi. Car je n’aurais jamais cru que cette femme, rencontrée de façon fortuite au supermarché, allait faire de ces deux derniers jours un tel enchantement.
Ça avait pourtant commencé de façon très banale. Un article situé trop haut dans les rayons pour ses 1m50 mais à ma portée et j’avais gagné sa reconnaissance immédiate, lue dans le le gris sombre de son regard.
En général les choses en restent là et chacun retrouve le cours de sa vie. Et je l’avais presque oubliée en sortant du magasin, mes courses faites. Presque, oui, parce que, quand même, l’éclat acier de ses yeux m’avait troublé quand je lui avais tendu l’objet qu’elle désirait. Mais je savais que mes planètes étaient rarement bien alignées, alors autant passer à autre chose.
Et j’en étais là, sur une terrasse mes courses à mes pieds et une tasse sur la table quand elle était venue se planter devant moi
— Je n’ai pas pour habitude de laisser mes sauveurs sans remerciements alors les cafés c’est pour moi.
Et elle s’était assise en face de moi, avait hélé le serveur et avait passé commande de deux nouveaux expressos.
— Vous en boirez bien un autre, non ?
J’avais opiné du chef en signe d’acquiescement, un peu ébahi par son aplomb. Elle m’arrivait à l’épaule, devait faire à peine plus de la moitié de mon poids et, en un claquement de doigts, avait décidé d’entrer dans ma vie.
Elle me dévisageait maintenant, et j’avais l’impression d’être plus que nu dans le faisceau de son regard.
— Et donc, à part sauver des femmes en détresse les veilles de week-end, vous faites quoi dans la vie ? Faites attention. Si j’aime les belles histoires, j’ai les fanfarons en horreur.
Le décor était planté. Autant être le plus honnête possible. Alors je lui avais dit le travail, pas forcément passionnant mais qui avait le mérite de me laisser de la liberté, qui m’avait amené dans cette ville. Cette sensation de revivre depuis que j’y étais malgré quelques moments de solitude et mon environnement qui était en train de changer pour mon plus grand bonheur. Tout jusqu’à ces rencontres inopinées que seul l’anonymat d’une métropole permettait. Et j’avais appuyé ma dernière phrase en prenant sa main. Elle ne l’avait pas retirée.
— J’aime aussi l’impromptu. C’est aussi pour ça que je me suis incrustée à votre table. Avez-vous des projets pour ces deux jours qui viennent ?
Ça avait le mérite d’être direct. Et je devais avouer que je n’en avais aucun. Alors autant me laisser porter par ma nouvelle camarade.
Je n’allais pas le regretter.