Les beaux jours sont revenus et je savoure un café en terrasse en attendant qu’une amie ne me rejoigne. Je suis justement en train de consulter son dernier message, dans lequel elle me dit qu’elle aura un peu de retard, lorsqu’un couple s’assoit à la table voisine de la mienne.
- Bonjour, pouvons-nous vous emprunter une chaise ? Nous attendons du monde.
Il y en a quatre autour de moi et une seule personne doit me rejoindre : je leur en cède donc une bien volontiers, ce qui me vaut un grand sourire, tant de l’homme que de la femme. Ils sont vraiment très bien assortis, lui grisonnant et elle ayant renoncé aux artifices d’une couleur pour arborer une coupe très courte et presque blanche. Ils partagent également une silhouette plutôt charpentée mais très bien proportionnée. Bref, je les trouve tous les deux très agréables à regarder. Mon regard s’attarde un peu plus sur elle quand elle retire la fine écharpe qu’elle portait pour offrir son décolleté aux doux rayons de ce début de printemps. Je ne sais pas ce qu’il doit à la nature ou à un soutien-gorge pigeonnant, voire même à la chirurgie, mais le résultat me plaît beaucoup, au point que j’en oublie ma tasse.
C’est l’homme qui me ramène les pieds sur terre lorsqu’il vient s’asseoir en face de moi.
- Elle te plaît, hein ?
Le tutoiement est sans agressivité. Plutôt amusé, même.
- Tu la mates depuis cinq, bonnes minutes, juste sous mes yeux, ne dis pas le contraire. Alors ?
- Elle est ravissante en effet. Et, vous avez raison, je n’ai pas été très discret. Excusez-moi.
- Tu peux me tutoyer aussi. Et il n’y a aucun problème, parce que tu lui plais. Et à moi aussi. Tu es libre ?
Quelque peu décontenancé par cette révélation, je lui avoue que j’attends quelqu’un, mais que cette personne aura du retard.
- Alors nous avons le temps de faire plus ample connaissance si le cœur t’en dit.
Je suis un peu gêné par cette proposition mais, au fond, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. C’est moi qui ai provoqué cette rencontre avec mes regards appuyés et je peux m’estimer heureux d’être tombé sur des personnes si conciliantes. Je l’accepte donc et vient m’asseoir à leur table.
- Et alors ? On ne se fait pas la bise ?
Le sourire carnassier de la femme n’appelle aucune protestation, je m’exécute donc et mes lèvres viennent se poser sur les siennes.
- Sandra, enchantée.
- Philippe, moi de même.
- Moi c’est Alex et je veux un bisou moi aussi !
- Chéri ! Laisse donc ce garçon tranquille ! À moins que…
Elle plonge son regard dans le mien. Il y a du défi dans ses pupilles, ce qui me donne envie de jouer. Je pose donc un baiser d’oiseau sur la bouche de son compagnon.
- Les présentations sont faites ! Et si on s’amusait maintenant ? Philippe, nous allons en club après le déjeuner, tu nous suis ?
Sarah pose la main sur mon entrejambe.
- Je peux te donner une idée de ce qui pourrait se passer si tu veux bien m’accompagner aux toilettes.
Alex renchérit.
- Allez Phil ! Ça n’engage à rien !
Je ne sais plus où me mettre et je me vois sauvé par le gong lorsque mon amie apparaît dans mon champ de vision. Et roule une pelle magistrale à la femme avant de faire de même à l’homme .
- Les présentations sont déjà faites je pense. Tu aimes ton cadeau ?
Tout à ces émotions j’en avais oublié jusqu’à mon anniversaire et au fait que c’était à cette occasion que je devais déjeuner avec Delphine. Qui m’embrasse à mon tour.
- Ce n’est que le début tu sais ? Mais allons manger d’abord, nous passerons aux choses sérieuses plus tard. Nous avons jusqu’au bout de la nuit.
C’est un délicieux traquenard dans lequel je suis tombé et je pense que je ne suis pas au bout de mes surprises. J’ai cinquante ans aujourd’hui et je ne céderais ma place pour rien au monde