Cesarina Picchetto

Il lui a donné rendez-vous à la terrasse de ce café. Ils prendront un verre puis il l’emmènera loin de son petit monde sans histoires. Alors elle s’est parée de ses plus beaux atours. Parce qu’elle est tombée sous son charme. Sa plume d’abord. Il écrit si bien. Et la photo qu’elle a reçue lui montre que, pour ne rien gâcher, il est joli garçon. Elle en est tombée amoureuse. Inconditionnellement.

Ça fait quarante ans qu’elle est là. Tous les jours. A la même place. Tout a changé autour d’elle. Sauf elle. Il lui a promis qu’il viendrait. Elle l’attendra.

Un soir, en banlieue

Je l’ai rencontrée hier soir.

Elle m’avait donné rendez-vous en banlieue. Et, après un peu d’attente sur le trottoir, je l’ai vue sortir de la librairie dans laquelle elle a l’habitude de jouer avec les mots. J’ai tout de suite aimé sa petite robe, sage au premier abord, mais qui s’est avérée être une réelle invitation à passer les mains dessous. Je lui ai donc demandé la permission après un premier baiser coquin et langoureux. Elle m’a demandé un peu de patience, la zone était un peu trop exposée. Et elle m’a pris par le bras pour m’emmener un peu à l’écart. Nous n’avons pas eu à marcher longtemps avant de trouver un banc un peu isolé. Et pourtant j’ai eu le temps d’aimer la sensation de sa main qui empoignait mes fesses avec un naturel teinté d’autorité. Je me suis senti sa chose à cet instant, et c’était terriblement excitant. L’a-t-elle vu ? Je bandais dans mon short alors que nous marchions. J’ai osé à mon tour la toucher, mais bien plus timidement qu’elle ne le faisait.

Puis nous nous sommes posés. Nous avons longuement discuté. Elle était intarissable et je buvais ses paroles. J’étais plus réservé mais je voulais m’ouvrir. Nous nous apprenions. C’était bien. Et mon envie de me fondre en elle allait croissant. L’a-t-elle ressenti ? Au bout d’un moment, elle m’a offert l’accès à ce que sa robe cachait. De jolis dessous rouges qui recelaient de prometteuses rondeurs. Et j’ai enfin pu passer ma main sur sa peau. J’ai adoré sa douceur et sa moiteur. Mais je n’ai pas cherché à aller plus loin. Ce n’était, je pense, ni le moment ni le lieu. Elle a fini par me raccompagner à mon métro. Un dernier baiser et nous avons regagné nos vies respectives. J’ai compris ce soir qu’il serait bon de m’abandonner à elle. J’ai pris la mesure de cette vie formidable d’assurance et de bienveillance qui émane d’elle et qui, je pense, donne envie d’aller loin en sa compagnie.

Nous nous reverrons. Sûrement. Je le désire. Ardemment.

Enchienné

Il la veut dans son cul. Ça ne date pas d’hier mais les choses ont pris une autre dimension. Il a toujours envie du pegging dont ils parlaient au début mais plus que. Il a maintenant le désir de se sentir tout autant exploré, fouillé, que simplement pénétré. Il sait qu’il peut souffrir. Il sait aussi que ça peut se faire dans la plus belle des communions. Alors, pour mieux l’accueillir, il se travaille, entretient sa souplesse. Il ne s’en doutait pas il y a quelques mois mais il sait maintenant qu’en se donnant à elle ils iront loin ensemble.

Le lecteur

Il ne la connaît que par ses mots. Elle en fait de jolis qu’il a lus sur quelques recueils. Mais il veut en savoir plus. Alors il ose la contacter. À sa grande surprise, elle s’avère être très disponible et lui propose un rendez-vous. Il s’y rend, brûlant de curiosité. Elle a prévu un cadeau : un livre, écrit de sa main, et qu’elle lui a dédicacé. Il s’y plonge. Et sait immédiatement qu’il y aura dans sa vie un avant et un après cet ouvrage. Il vacillait aux frontières du monde qu’elle décrit, ses mots ont achevé de le convaincre.

Télé déclaration

Ces mots, écrits ici, puissent Ils te trouver

Alanguie et baignée d’une douce chaleur

Rien ne me plairait plus et je le dis sans peur

Oui, j’ai envie de toi, c’est un fait avéré

Lutiner ton corps serait un réel bonheur

Inégalable sensation chère à mon cœur

Néanmoins le chemin qui peut nous séparer

Est grand. Mais nous en sortirons bientôt vainqueurs

Jamais je ne me laisserai décourager

Et je crois partager avec toi ce moteur

Puissant qu’est l’amour que nous pouvons nous porter

Évidemment que ça ne sera pas sans heurts

Nonobstant cela je viendrai cueillir ta fleur

Source de tant de plaisirs si chers à mon cœur

Et dont la simple évocation me fait rêver.

Faibles sont mes mots, et avec peu de saveur

On croirait lire ici l’œuvre d’un imposteur

Rien ne paraît ici, dans ces vers, refléter

Tout ce qu’en moi de ta personne a pu germer

Acharné, j’essaie pourtant de le déclamer

Tu es tellement pour moi, si chère à mon cœur.

Oui, et je le voudrais tellement ton bonheur

Il est des choses que je ne veux plus cacher

Ma dédicace

Je n’avais pas fait le lien, à réception de ton message me proposant de nous rencontrer, entre la façon que tu as de te qualifier de croque-monsieur et cette facilité que tu as de mettre les hommes sous ta coupe.

Ce qui aurait pourtant dû me mettre la puce à l’oreille c’est ce besoin quasi irrépressible que j’avais, depuis que j’avais fait ta connaissance, de te faire dédicace de certains de mes mots au fil de messages sybillins. Comme celui de garnir les rayonnages de ma bibliothèque de tes ouvrages favoris dont tu faisais l’article sur la Toile. Mais je préférais mettre ça sur le compte de notre passion commune pour les belles lettres.

Ça m’a finalement sauté aux yeux quand nous nous sommes vus. Ou plutôt au creux des reins, comme une secousse électrique. Tu appelles au partage des sens avec un tel naturel qu’on ne peut que s’abandonner à cette douce autorité que tu dégages. Et ce n’est pas le videur du club dans lequel tu m’as emmené pour que nous fassions plus ample connaissance qui dira le contraire, lui que tu as immédiatement changé de Cerbère en agneau au premier regard. Au point que, après qu’il avait chuchoté dans sa radio, un inoubliable accueil VIP nous avait été réservé.

Tu m’avais prévenu du fait que tu étais particulière. Je mesure maintenant à quel point. Tu es une sorte de déesse et je suis fier que tu acceptes de poser ton regard sur moi.

Festival

J’avais appris par le canal de mon cercle d’amis écrivains qu’un festival de littérature érotique devait se tenir durant l’été. Les organisateurs avaient envisagé quelque chose de grandiose dans la mesure où il était carrément prévu de réunir les plus grands acteurs du genre afin d’en déterminer les nouvelles frontières. Le choix de Yalta leur avait donc semblé tout à fait naturel pour cette convention. Et, contrairement à ce qu’on pouvait croire, les séjours en Crimée s’étaient démocratisés avec l’arrivée de grandes chaînes hôtelières et des compagnies aériennes low cost. Alors, sans prévenir quiconque, j’avais pris la liberté de réserver mon avion et ma chambre car je ne voulais rater ça pour rien au monde. Avoir le badge attestant de ma présence ici et mon Polaroid au pied des marches du palais qui devait accueillir l’événement n’avait pas de prix. Sans compter la chance de pouvoir apercevoir, en baladant sur les rives de la Mer Noire, les derniers ibis falcinelle que notre civilisation démente était en train de faire disparaître comme tant d’autres espèces. Le voyage allait être bien, j’y ferais sûrement de bien belles rencontres. Et puis flûte si je me faisais passer un savon en revenant. Je n’avais qu’une vie.

Ascenseur

Dans l’ascenseur émotionnel

Qui monte mais qui redescend

J’ai des rêves bien indécents

Mais qui demeurent irréels

****

Alors je me montre patient

Et puis je regarde le ciel

Me disant que la vie est belle.

Mais c’est ardu me connaissant

****

Retrouverai je bientôt celle

Pour qui mon désir va croissant ?

Je le veux, c’est en moi puissant

Malgré l’adversité réelle

La belle saison

Les premières chaleurs étaient arrivées. Il était donc devenu incontournable de sortir les chaises longues et la table basse sur la terrasse. Et maintenant ils en profitaient autour d’un apéritif.

La conversation avait rapidement dévié sur les banalités qu’on peut se dire pour masquer une tension naissante. Elle était sexuelle dans le cas présent mais aucun des deux ne voulait l’avouer à l’autre. Leurs regards ne mentaient toutefois pas. Leur langage corporel non plus. C’était une étrange parade nuptiale où le verbal contredisait ce qui ne l’était pas.

Ça ne pouvait que déraper. Alors, quand en revenant d’aller chercher quelques tomates cerises il avait posé sa main sur son épaule, elle avait basculé la tête en arrière en fermant les yeux dans une irrésistible invitation. Leurs lèvres s’étaient jointes, leurs langues entremêlées. Et le vernis social qui leur restait avait volé en éclats en même temps que leurs vêtements s’étaient dispersés aux quatre coins de la terrasse.

Il n’osait toutefois pas la prendre à même les lames du sol qu’il jugeait par trop inconfortables. Elle avait dû alors prendre les devants et, le poussant délicatement, l’avait fait allonger sur le dos, non sans avoir étendu sa robe sous lui pour éviter toute abrasion. Il bandait comme un fou. Elle était trempée. Alors, sans autre forme de procès, elle vint s’accroupir sur son bassin, évitant ainsi de brûler ses genoux. D’une main douce et experte elle le saisit et présenta son gland à ses lèvres. Puis, fléchissant un peu plus, elle l’absorba complètement.

Elle jouait maintenant de la musculature de ses jambes pour monter et descendre le long de sa colonne. Il était objet plus qu’acteur et il ne détestait pas. Son plaisir était ailleurs. Dans le fait de la voir se faire jouir avec la seule connexion de leurs sexes. Il se mordait toutefois les lèvres tant la succion de ses lèvres intimes lui communiquait d’exquises sensations auxquelles il ne voulait pas mettre un terme prématurément. Il savait que sa jouissance donnerait un coup d’arrêt à celle de sa partenaire alors il se retenait autant que possible pour qu’ils arrivent ensemble à l’orgasme. Et ils y parvinrent, lui se répandant au plus profond d’elle sous les contractions spasmodiques de ses muscles intimes. Ils crièrent. C’était le premier son qui jaillissait de leurs bouches depuis que la conversation avait cessé. Puis, comme une poupée de chiffon, elle se laissa tomber sur lui. Il accompagna cette chute de ses mains qui l’avaient saisie sous ses seins puis l’enlaça une fois qu’elle fut posée sur son torse.

Ils restèrent un moment ainsi, à écouter leurs souffles et le battement de leurs cœurs tandis que le voisinage, inconscient de ce qui venait de se passer, vaquait à ses occupations. Puis elle se releva. Il en fit de même afin qu’elle puisse récupérer sa robe. Elle se rhabilla presque à regret, lui laissant en cadeau son tanga de dentelle noire. Un dernier baiser à la porte puis elle sortit. La vie reprenait son cours. Mais il ne regrettait pas d’avoir croisé sa nouvelle voisine aux boîtes aux lettres.